C'est peut être un détail pour vous, mais pour nous, ça veut dire beaucoup...
Nous avons parfois entendu dire que Grand-Quevilly était une ville nouvelle. Derrière ce terme se cache un pan de notre histoire. En 1965, l'Etat français lance le programme Villes Nouvelles pour faire face à la crise du logement, désengorger les grandes métropoles et en planifier la croissance urbaine. Il n'y a que 9 villes concernées, parmi elles : Val-de-Reuil, Marne-la-Vallée, Villeneuve d'Ascq... Mais alors, Grand-Quevilly est-elle une ville nouvelle ?
Le suspens est insoutenable...
Levons le voile sans attendre : non, Grand-Quevilly ne fait pas partie du programme, elle n’est donc pas une Ville Nouvelle à proprement parlé. Cependant la confusion est possible. En effet, les indices recueillis nous indiquent un développement de Grand-Quevilly, initié dans les années 60, fulgurant dans les années 70, sur un territoire nommé alors l’Extension. Cette métamorphose a lieu donc au même moment que la politique des Villes Nouvelles. Dans le cas de Grand-Que, son développement est dû à la vision politique (urbaine) d’un homme,Tony Larue, maire de 1935 à 1941, de 1944 à 1945 et de 1947 à 1995. On retrouve donc dans ce développement urbain le principe d’une politique de la ville orchestrée par une structure publique.
Penser une ville de A à Z est totalement nouveau à cette époque. Les premières lois d'urbanisme (Lois Cornudet) datent de 1919 et 1923, cependant c'est en 1943 que la planification urbaine voit réellement le jour. Les plans de ville deviennent alors des « plans d'aménagement », dans un principe d'utilité public hérité des CIAM.
Les CIAM (Congrès Internationaux d'Architecture Moderne) sont nés du besoin de réfléchir à une architecture et un urbanisme fonctionnel (le premier a lieu en Suisse en 1928). Les mots sont posés : utilité public, fonctionnel. L'opposé, donc, du développement urbain des villes avant leur intervention. Si on en croit le constat fait par Le Corbusier dans la Chartes d'Athènes (aboutissement du IVème CIAM), le développement urbain avant 1943 a créé des villes chaotiques, envahies de taudis, où les intérêts privés régissent l'organisation spatiale. L'espace y est insuffisant aussi bien dans les habitations qu'à l'extérieur. Ce manque d'espace, la densité de la population (contenue dans des villes où on ne bâtit pas au-delà de l'enceinte), l'absence de soleil et la vétusté des bâtiments sont à l'origine d'une grande partie des maux de la population. Le Corbusier propose d'y remédier en modifiant profondément la manière de bâtir et en détruisant assidûment les bâtiments du passé si ceux-ci ne répondent pas aux critères d'intérêt général.
A ces constats, s'ajoutent l'avènement des industries qui modifie les trajets des habitants (on se rend à l'usine en dehors de la ville et plus à l'atelier dans la ville), et l'utilisation de plus en plus rependue de la voiture dont la vitesse n'est pas compatible avec les trajets des piétons.
Les membres des CIAM décident donc la publication d'une Charte de l'urbanisme qui voit le jour sous le nom de la Chartes d'Athènes (Ô Grandeur Athénienne, Ô Culte de l'ordre...) dont les préceptes principaux sont les suivants :
- Le soleil doit pénétrer dans toutes les habitations: on construira donc des bâtiments suffisamment hauts et éloignés les uns des autres pour ne pas subir l'ombre portée du voisin et laisser place aux espaces verts.
- L'air doit être pur, ce qui est garanti par la présence d'espaces verts et en prenant des distances avec les zones industrielles.
- L'espace en lui même, doit être généreux pour ne pas étouffer les circulations. Dans la mesure du possible, on séparera les circulations piétonnes, des circulations automobiles (les prémices d'un urbanisme sur dalle, on y reviendra une autre fois)
- Afin de faciliter la circulation automobile et donc l'efficacité des déplacements, les rues seront larges, suffisamment longues pour que les véhicules puissent accélérer sans rencontrer d'obstacle.
- Les institutions collectives (centres médicaux, écoles) doivent être implantées à proximité des quartiers d'habitation. Les écoles en particulier doivent être séparées des voies de circulation, pour la sécurité des enfants.
- Tout quartier d'habitation devra comporter des espaces verts pour l'aménagement d'espace de jeux, de sport pour les enfants et adolescents.
- La zone industrielle s'étendra le long d'un canal, d'une voie ferrée, d'une route, ou mieux encore : les trois en même temps.
Ça ne vous rappelle rien ?
Le développement rapide de la ville, sur les principes urbains de l’époque (CIAM, Chartes d'Athènes, Villes Nouvelles) font de G.Q. une nouvelle ville sans être une Ville Nouvelle (du programme de l'état). Les architectes et urbanistes qui ont succédés à Le Corbusier et ses compères ont hérité de ces réflexions sur l'espace urbain et l'organisation spatiale des villes. Depuis, d'autres courants urbanistiques se sont succédés en France donnant lieux à d'autres typologies de villes et de quartiers (notamment l'urbanisme écologique qui donne naissance à des éco-quartiers comme le Quartier Matisse).
Pour aller plus loin : http://www.cdu.urbanisme.developpement-durable.gouv.fr/la-politique-des-villes-nouvelles-a20692.html
http://www.fondationlecorbusier.fr/
Le Corbusier, La Chartes d'Athènes, Paris : Edition de Minuit, 1957
bonsoir
alors la ville nouvelle c'est une ville entièrement nouvelle par rapport a la ville d’origine et la nouvelle ville c'est une extension de la ville d'origine ??